AUX SOURCES DU NATURISME – Un lent cheminement philosophique

Le naturisme est une philosophie que l’on vit et non une activité que l’on pratique. On EST naturiste parce que l’on adhère à cette forme de pensée, en partie ou à fond, chacun selon ce qui constitue son idée du bonheur.

On PRATIQUE la nudité (nudisme) car elle constitue aujourd’hui la pierre angulaire de notre art de vivre et en synthétise ses valeurs, ainsi que son essence. Elle en est le symbole.

Cette nudité vécue simplement et sereinement, permet de se ressourcer physiquement, physiologiquement et psychologiquement, en activant les principes hygiénistes de la médecine hippocratique. Plus encore aujourd’hui, la nudité en commun permet aussi de dépasser toutes les formes de body-shaming (honte du corps), de combattre la nudophobie (rejet/haine « culturelle » de la nudité), ou de traiter la gymnophobie (pathologie psychiatrique).

Si l’aspect le plus visible reste, bien sûr, le modus vivendi de la nudité, le naturisme d’aujourd’hui participe aussi, des mouvements de libération et d’émancipation, notamment vis à vis des courants de pensée idéalistes, en particulier théistes / monothéistes, qui l’ont toujours combattu. Il participe pleinement de la mise en œuvre des valeurs humanistes et républicaines inscrites dans la culture française, de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité.

Il milite aussi pour un mode de vie plus simple et naturel, plus respectueux de la nature dans toutes ses composantes. Le naturisme, est donc porteur d’un projet écologique, d’où ses liens privilégiés avec France Nature Environnement.

La perception qu’en ont pourtant encore nos concitoyens est pour l’essentiel liée à la façon de vivre ses loisirs ou de prendre des vacances, notamment dans le cadre d’une société néolibérale (au sens économique), où l’offre liée à cette spécificité peut être considérée comme un produit… une marchandise comme une autre. Certes, l’essor de la société de consommation, le développement du temps libre et du tourisme à partir de la deuxième moitié du XXe siècle pourraient donner l’illusion de ce tropisme. Mais ce serait oublier que le naturisme s’inscrit dans un continuum de la pensée humaine, occidentale et orientale, au sein d’une famille philosophique qui s’est construite au fil des ans, depuis l’Antiquité, pour constituer aujourd’hui un ensemble qui appartient à ce que Michel Onfray appelle « la constellation hédoniste et Eudémoniste » (dans Contre-histoire de la philosophie).

INTRODUCTION 

Sur le plan du rapport au corps, l’idée qui domine depuis 2000 ans dans la civilisation occidentale, est que la nudité peut être assimilée sur le plan de la symbolique à «un état présocial ou degré zéro de la culture (le sauvage ou le barbare), par opposition à l’habillement symbolisant un état de culture et une marque d’appartenance à la communauté ». (Pierre Cordier – Les nudités romaines, un problème d’histoire et d’anthropologie).

Marc-Alain Descamps dans son livre Vivre nu (1987), considère que « Les mouvements nudistes ont été créés par le christianisme. Avant lui il n’existait ni interdiction ni proscription du nu dans toute l’antiquité, que ce soit chez les Celtes, les Grecs, les Romains ou les Germains, donc personne ne cherchait à le défendre ». En outre, dans les sociétés où la nudité n’est pas réprimée, il n’y a sans doute pas d’intérêt à vouloir se regrouper pour la défendre.

« Sème nu, moissonne nu, laboure nu, si tu veux achever en leur temps tous les travaux de Demeter afin que pour toi chacun de ses fruits croisse aussi en son temps, et que tu n’aies pas plus tard, indigent, à mendier à la porte d’autrui » – Hésiode / Les Travaux et les Jours

LA NUDITE HISTOIRE ET CULTURES

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LE NATURISME D’AUJOURD’HUI

 

Marcel Kienné de Mongeot (1897 – 1977)

« Il faudra choisir un jour entre le matérialisme économique assoiffé de jouissances vulgaires, sans idéal, et l’amour de la Vie qui réclame une Organisation Sociale simple et naturelle. Car le progrès véritable réside dans l’amélioration de la personne humaine. Pas dans les « créations » plus ou moins étonnantes, plus ou moins merveilleuses, de l’homme économique. »

Marcel Kienné de Mongeot (1897-1977), l’un des fondateurs du naturisme d’aujourd’hui avec les époux Lecocq

à découvrir sur le site Vivre d’Abord – article de Michel Pivert

 

Albert & Christiane Lecocq

Notre philosophie nait à l’Antiquité gréco-indienne, de la rencontre entre certains philosophes grecs et ceux qu’ils appelaient gymnosophistes, ou « sages nus » (en fait, des jaïns Digambara « vêtus de ciel » en sanscrit) qui ont notamment pour principe le respect de toute vie sur terre. On peut citer Démocrite, l’un des fondateurs de l’atomisme (première démarche véritablement scientifique élaborée à partir de l’observation de la nature) ; Hippocrate, considéré comme le père de la médecine occidentale  ; et Pyrrhon d’Élis, qui sera fortement inspiré par  cette rencontre avec les ascètes jaïns pour fonder sa conception du scepticisme.

Cette veine philosophique, matérialiste, s’est fortifiée au sein des écoles hédonistes et eudémonistes (Cyniques et Cyrénaïques ; Épicuriennes et Stoïques), puis Sceptiques, à la recherche de ce bonheur individuel puis collectif, que l’on retrouvera inscrit à la Révolution Française dans l’article 1 de la DDHC de 1793 : « Le but de la société est le bonheur commun ».

Sur le plan du rapport au corps, l’idée qui domine depuis 2000 ans dans la civilisation occidentale, est une assimilation de la nudité, sur le plan de la symbolique, à « un état pré social ou degré zéro de la culture (le sauvage ou le barbare), par opposition à l’habillement symbolisant un état de culture et une marque d’appartenance à la communauté ». (Pierre Cordier – Les nudités romaines, un problème d’histoire et d’anthropologie). Mais à notre époque, la nudité est de plus en plus associée, sur le plan de la symbolique, à la liberté, au pacifisme et à la simplicité, à la nécessité de replacer l’être humain au cœur d’une civilisation refondée sur des principes d’égalité et de respect de la dignité humaine  ; plus respectueuse des équilibres écologiques planétaire  ; plus attentive à la protection du règne animal et contre toutes les violences qui lui sont infligées par l’être humain.

Le naturisme, ce n’est donc pas que la nudité, même si celle-ci en constitue la pierre angulaire. C’est aussi un positionnement pour une vie plus saine et plus naturelle, plus respectueuse de notre environnement. Il est fondé sur des valeurs émancipatrices et féministes, humanistes et républicaines, écologistes…et antispécistes (d’où la discipline végétarienne ou végan de ses débuts), et d’éducation populaire.  

QUELQUES DATES

1903 : S. Gay crée en France, au Bois-Fourgon à Villeconin, une colonie naturiste.

C’est en 1918 que le nom de Freikörperkultur (FKK, culture du corps libre) est adopté. Ce mouvement se diffuse alors dans les pays germaniques (Autriche, Suisse (Ascona), pays scandinaves, Pays-Bas) avant de gagner la France dans l’entre-deux-guerres, puis l’Amérique du Nord à partir des années 1950.

1920 : Marcel Kienné de Mongeot (1897-1977) et Yvan de Laval créent au Manoir Jan à Fontenay-Saint-Père le Sparta-Club, premier club naturiste en France. Le mouvement naturiste fait sa véritable apparition en France avec la publication de la revue “Vivre intégralement”, éditée par Kienné de Mongeot.

1922 : Jacques Demarquette fonde un espace naturiste à Chevreuse.

1930 : les docteurs André et Gaston Durville ouvrent le centre Physiopolis dans l’Île de Platais à Villennes-sur-Seine où se tint le premier congrès nudiste. L’hydrothérapie était préconisée par le docteur Paul Carton, fondateur de la revue Naturiste (Enseignements et traitements naturistes pratiques 1936).

1931 : Création du Club Gymnique de France (CGF) à Villecresnes, qui perdure de nos jours. Albert Lecocq (1905-1969) créé le Club Gymnique du Nord au Fort de Seclin, près de Lille. Il rejoint Marcel Kienné de Mongeot et ses idées. Le Front populaire, avec ses réformes sociales et l’engouement pour le plein air, inspire le “nudisme populaire” à Albert Lecocq. Il entrevoit alors les fondements d’un naturisme social, reprenant les principes de régénérescence de l’homme de Kienné de Mongeot.

1932 : Les docteurs Durville fondent sur l’île du Levant, Héliopolis.

1936 : Léo Lagrange (premier sous-secrétaire d’État aux Sports et Loisirs), dont les époux Lecocq étaient proches, reconnaît officiellement le mouvement naturiste comme étant « d’utilité publique ».

1944 : Albert Lecocq et son épouse Christiane créent le Club du Soleil à Carrières-sur-Seine (Yvelines), grâce à l’apport des Sections « Vivre » de De Mongeot ; avec l’idée « d’un club pour chaque ville, un terrain pour chaque club ».

1949 : Albert et Christiane Lecocq bousculent le puritanisme en ouvrant le premier camping naturiste de France : le Centre Héliomarin CHM à Vendays-Montalivet, sur le littoral aquitain. Ils créent la même année la revue La Vie au soleil dont le premier numéro paraît le 1er février 1949.

Le 19 février 1950, Albert Lecocq fonde la Fédération française de naturisme (FFN). Elle fixe les concepts du naturisme. L’unité fut érigée en principe fondamental : tous les clubs se regrouperaient au sein d’une seule fédération. En 5 ans le nombre d’associations adhérentes passe de 9 à 86. La FFN est l’une des premières fédérations nationales naturistes à voir le jour dans le monde.

1953 : Création au CHM-Montalivet, sous l’impulsion des époux Lecocq, de la Fédération Naturiste Internationale qui regroupe les fédérations de tous pays reconnues pour leur pratique d’un naturisme « familial et organisé ». plusieurs créneaux sont ouverts sur différentes piscines par l’Associations des Naturistes de Paris (ANP). 

1958 : Création des CCF (Compagnons Campeurs de France) par Lucien AUZIAS. C’est l’un des plus vieux club naturiste d’Île-de-France (3,5ha), situé à Étréchy au sud de Paris.

1974 : Adoption de la définition internationale du naturisme.

1975 : Ouverture d’Euronat à Grayan-et-l’Hôpital (Gironde). La poussée touristique aidant, des plages sont ouvertes ou autorisées au naturisme alors qu’il n’est encore que toléré. La présence naturiste la plus forte se situe sur le littoral aquitain.

1983 : Le mouvement naturiste français, par sa Fédération, la FFN, fut reconnu Mouvement de Jeunesse et d’Éducation Populaire par le Ministère de la Jeunesse et des Sports. La vie sociale de certains fut simplifiée, le naturisme étant banalisé, les problèmes professionnels inhérents disparurent. Des piscines municipales ouvrent des créneaux horaires aux pratiquants un peu partout dans le pays. Ses buts atteints, la Fraternelle Naturiste Maçonnique se dissout d’elle-même. La FFN formait alors ses propres cadres par des BAFA spécialisés « naturistes » et mettait en place sa section Jeunes ALIZEE. Ceux-ci animaient les activités d’été des jeunes enfants des centres de vacances et offraient des spectacles. Un peu partout en France, les naturistes obtiennent des créneaux dans les piscines municipales et les saunas.

1993 : La Maison du naturisme ouvre à Paris. l’Association des Naturistes de Paris (ANP) obtient avec la municipalité un nouveau créneau naturistes à la piscine Roger Le Gall, en remplacement de l’ancienne piscine Molitor.

1994 : Entrée en vigueur du nouveau code pénal le 1er mars 1994, qui dépénalise la simple nudité en abrogeant l’ancien article 330 et le remplace par le 222-32 sur « l’exhibition sexuelle ». Avec cette nouvelle écriture, il n’est plus question « d’attentats aux mœurs » ni « d’outrage public à la pudeur », mais uniquement de réprimer les « agressions sexuelles ». Henri Nallet, Ministre de la justice et Garde des Sceaux en charge de la réforme du code pénal avait à l’époque expliqué aux parlementaires « qu’en application de cette nouvelle disposition, seuls les comportements sexuels présentant le caractère d’une exhibition imposée à des tiers tomberont sous le coup de la loi pénale, et ne seront incriminées que les attitudes obscènes et provocatrices qui sont normalement exclues de la pratique du naturisme ».

1998 : Création du « Club Français du Naturisme » qui a pour vocation de promouvoir les centres naturistes français et leurs offres.

2001 : Début des World Naked Bike Ride (WNBR) en Espagne. Ce mouvement s’étend très vite à plus d’une centaine de villes d’une trentaine de pays, d’Europe, d’Amériques et d’Asie (sauf en France où les deux tentatives, à Paris et Marseille, se sont soldées par des interventions policières). La WNBR se crée en 2003 pour coordonner l’ensemble des manifestations. Le but est « de défendre l’homme en tant que tel dans un univers déshumanisé et mécanique  ; de favoriser aussi souvent que possible le vélo comme mode de circulation et réduire la dépendance au pétrole ; de faire prendre conscience de la fragilité de l’être humain en milieu urbain ; d’assumer son corps et sa nudité en public ».

2002 : Des centres (commerciaux) naturistes cessent d’exiger la licence de la FFN et créent France Espace Naturisme (FEN)

2003 : CHM-Montalivet et le camping de Cap d’Agde, restés fidèles à la FFN président à la création de l’Organisation naturiste européenne (ONE) qui délivre sa propre licence.

2007 : création de l’Association pour la promotion du naturisme en liberté (APNEL). Son but principal est de promouvoir ce que les allemands appellent la FreiKorperKultur (culture du corps libre) et soutenir les personnes qui seraient injustement poursuivies en justice du fait de leur pratique hors des centres et « lieux dédiés ». Son objectif à terme est d’obtenir une modification de la loi, qui vise à protéger la liberté d’être partiellement ou intégralement nu et de lutter contre la nudophobie ; de préciser l’article 222-32 en le dotant d’une définition claire et sans ambiguïté de ce qu’est « l’exhibition sexuelle » ; et enfin, qui organise cette liberté.

Certains de ses membres organisent des randonues mixtes (nu/textile) afin de mettre en œuvre l’universalité de la démarche et ne pas se replier ni s’enfermer dans un communautarisme qui n’a strictement aucun sens pour les nouvelles générations. Le mode opératoire est de prendre appui sur le développement des réseaux sociaux dédiés aux rencontres amicales, comme OVS-On Va Sortir.

2016 – 2017 – 2018 : Participation des Naturistes (APNEL/FFN) à la Fête de L’Humanité, ce qui provoque un énorme buzz médiatique. L’APNEL invente et diffuse le slogan : « Fiers de notre humaNUté », en écho à la citation de Friedrich NIETZSCHE «  Être libre, c’est vivre nu et sans honte », et en référence aux luttes pour l’égalité des droits, défendue par le mouvement international LGBT (qui organise les « Marches des Fierté » – Gay Pride en Anglais).

2018 : le naturisme urbain gagne en visibilité. Première visite naturiste au Palais de Tokyo à Paris sous l’impulsion de l’Association des Naturistes de Paris (ANP) ; ouverture du premier restaurant naturiste dans le XIIe arrondissement de Paris, sous le nom de O’ Naturel ; L’ANP négocie avec la capitale française pour qu’elle comble son retard sur le littoral et certaines grandes villes européennes, en organisant un espace dédié au naturisme, sur le modèle des « plages libres » des années 1980. Ce sera dans le Bois de Vincennes, mais dans un endroit très… reculé. C’est un début ; la FFN organise la journée mondiale du naturisme au Parc Aventure Land de Magny-en-Vexin et les activités urbaines se développent : bowling-nu, yoga-nu, cyclonue, etc.

2019 : le mouvement naturiste engage une démarche afin de sortir de son isolement et dans le but de faire société. Il reprend l’initiative de l’organisation d’une WORLD NAKED BIKE RIDE (cyclonue), en lien avec les questions environnementales, et principalement la question du réchauffement climatique et la 6e extinction animale de masse. Pour cet événement inscrit dans le projet d’éducation populaire alors en cours d’élaboration, il s’associe au tout jeune mouvement Extinction Rebellion. La manifestation est interdite au motif de l’article 222-32 d’exhibition sexuelle, et l’arrêté préfectoral sera attaqué devant les tribunaux par la FFN et l’APNEL. Les deux associations sont déboutées en juin 2020 et font appel de la décision.

2020 : Jean-François FEUNTEUN alors chargé de mission FFN recrée les liens avec France Nature Environnement et siège au CA de la fédération écologiste.

2021 : création de FestiNATUR’,  l’association de gestion du festival NATURist’ por nova mondo, en raison du retrait de la FFN du projets. 

Le festival NATURist’ por nova mondo voit le jour les 3 & 4 juillet 2021 

Dans le prolongement de la dynamique enclenchée par le festival NATURist’ por nova mondo, se crée une toute nouvelle confédération naturiste qui prend pour nom LE MOUVEMENT NATURISTE. Celle-ci voit le jour officiellement avec l’assemblée générale constitutive du mardi 27 juillet 2021 /parution au JO du 14 septembre 2021. 

Les membres fondateurs publient le MANIFESTE POUR UN NATURISME DU XXIe siècle 

 

« Le naturisme est une philosophie hédoniste et eudémoniste globale, un art de vivre qui s’est construit sur un profond respect de la nature en général et de la nature humaine en particulier. Il participe des mouvements écologistes et se fonde sur la pratique du nudisme, en raison de sa triple dimension : 

  • Bien-être et santé, au regard de ses vertus sur le plan physique, physiologique et psychologique ;

  • Sociale, pour ses effets créatifs, éducatifs et émancipateurs ;

  • Symbolique, pour les valeurs de liberté, d’égalité, de bienveillance, de fraternité et de simplicité qu’il encourage. Et cela dans un esprit de laïcité compatible avec la recherche d’une certaine spiritualité ».